Hérault, France, septembre 2023
Rappel du contexte :
Eudeline, maraîchère établie dans l’Hérault, a une double formation d’ingénieure forestière et ingénieure agronome. Elle commence sa vie professionnelle dans l’étude et la mise en place de systèmes agroforestiers dans les régions tropicales. En 2018, elle achète une parcelle forestière de 6 hectares dans l’Hérault entre les communes de Berlou, Escagnès et La Mausse. Cette parcelle privée, entourée de parcelles communales, était exploitée jusque dans les années 70/80 et laissée à l’abandon depuis.
Eudeline a choisi cette parcelle pour plusieurs raisons : elle se situe dans la région ou elle a grandi et dans laquelle elle a une attache familiale forte. De plus, cette parcelle est en zone blanche, la maraîchère étant très sensible depuis plusieurs années aux ondes électromagnétiques.
Le projet d’Eudeline est alors de créer une forêt-jardinée en plantant en 3 ans, 1 480 arbres de 63 essences différentes sur 3,4 hectares. L’objectif principal est de récolter les feuilles comestibles de ces arbres et de les transformer en poudre, afin de créer des compléments alimentaires à une population urbaine, n’ayant pas le temps de cuisiner et de manger les 5 fruits et légumes recommandés par jours. Elle crée en effet des poudres vertes et rouges/violettes à partir de feuilles de tilleul, mûriers, noisetiers, etc. Un autre volet de son projet consistait à faire découvrir les plantes comestibles au niveau de la cuisine gastronomique.
Le projet d’Eudeline est un projet agroforestier innovant qui ne rentre pas les « cases traditionnelles » d’un projet agroforestier. Elle trouvera l’appui technique auprès de l’Association Française d’Agroforesterie (AFAF) et la Chambre d’Agriculture de l’Hérault. L’AFAF proposera en 2018 le projet à A Tree for You (ATFY) en financement. Le projet est sélectionné par le Comité de Sélection de ATFY en début d’année 2019.
Différentes étapes du projet et difficultés rencontrées :
Le projet a démarré en mars 2019 avec une 1ère préparation manuelle du sol, l’achat des plants et la 1ère plantation test.
Dès les premières plantations tests, Eudeline doit faire face à différentes difficultés : le travail est rude dans ce milieu pentu et caillouteux, aucun travail mécanique n’est possible sur la parcelle et l’accès à cette dernière est difficile. Elle effectue ce travail seule et cela lui prend donc plus de temps que ce qu’elle avait imaginé. Une fois la plantation terminée, la parcelle plantée a été vandalisée.
Eudeline poursuit les plantations sur les autres parcelles au cours des hivers 2019, 2020 et 2021. Parfois accompagnée de son mari et de bénévoles agricoles, les conditions de travail et de plantations restent difficiles. La difficulté d’accès et le manque de routes ou de chemins aménagés rendent les livraisons de plants, ainsi que l’organisation de chantiers participatifs de plantation extrêmement complexes.
A cela s’ajoute à certain nombre de difficultés. La parcelle se situe entre deux communes qui nourrissent les sangliers pour la chasse. Les sangliers sont très nombreux et se sont multipliés pendant la période du COVID-19, période pendant laquelle, les chasses n’étaient pas autorisées. Ainsi, le gibier (sanglier notamment mais aussi chevreuil) a généré énormément de dégâts aux jeunes plants tout au long des plantations. Eudeline a essayé de trouver des solutions et elle a notamment repenser le schéma d’aménagement ; elle a replanté les essences attaquées et renforcé les protections des arbres. Elle a aussi échangé avec l’association locale des chasseurs pour essayer de déplacer les points de nourrissage, sans succès.
Eudeline a également fait part d’une autre difficulté liée au changement climatique. Selon elle, la sécheresse et le manque d’eau se font ressentir dans la région et s’intensifient d’années en années.
Enfin, et sur un plan plus personnel, Eudeline est très handicapée par sa forte sensibilité aux ondes électromagnétiques et par un accident du travail (induisant un usage difficile du bras gauche), qui l’ont empêché certain jours de mener à bien ses activités et qui l’isole.
Malgré toutes ces difficultés, Eudeline a toujours fait preuve d’une grande résilience et motivation pour regarnir et continuer à planter. Souvent à ses frais.
Le projet prend fin et les objectifs ne peuvent être atteints :
L’équipe de ATFY, accompagnée par le partenaire local l’AFAF, se sont rendus en avril 2023 sur le terrain pour échanger avec Eudeline et constater ce qu’il reste des plantations effectuées.
Après quatre années de plantations et de regarnis, le projet a un taux de survie des arbres inférieur à 10%. Les aléas, notamment naturels et dans une bien moindre mesure humains, ont été trop nombreux et répétitifs.
Les auditeurs ont notamment pu constater les dégâts importants causés par le gibier (sangliers et chevreuils notamment) sur les jeunes plants, ainsi que l’impact du changement climatique dans la région, notamment aux sécheresses à répétition.
ATFY et l’AFAF ont décidé de mettre fin au projet « Hérault : forêt jardinée chez une jeune maraichère », les objectifs ne pouvant être atteints. Malheureusement ATFY voit ses engagements auprès de ses mécènes particuliers et les entreprises impossibles à tenir.
Il s’agit surtout d’une grande déception pour Eudeline, ce projet étant son emploi principal (elle effectue aussi des cueillettes de plantes sauvages). Malgré toute la bonne volonté de la jeune agricultrice, elle n’aura pas réussi à concrétiser ce projet innovant et ambitieux. Il est cependant important, de noter sa volonté de continuer la plantation sur une petite surface très bien protégée. Ce changement d’échelle pourrait permettre une survie de l’exploitation à un niveau modeste.
Nous souhaitons à Eudeline le meilleur dans la suite de ses activités !
